5 Cours d'Emmanuel Thiry



Option L musique









            1. La musique, le rythme et temps



Problématiques : Continuités et ruptures, développements et récapitulations, tensions et dénouements, instantanéité et mémoire.

Vocabulaire : Mètre, carrure, mesure, tactus, tempo, formes fixes et leur refus, harmonie, dissonance, polyphonie, densitéŒuvre, Mouvement, partie, sous partie, thème, phrase, membre de phrase, motif, cellule

Stravinsky I. : "La musique est un art du temps".

Stravinsky I. : "La musique naît d'une organisation du temps".



1. Le concept de temps

Définir le temps est bien complexe. Saint-Augustin l'évoque dans ses Confessions , il distingue 3 façons de considérer le temps :

-le temps objectif qui est « celui des horloges, c'est à dire des mouvements du cosmos, il coule imperturbablement de façon mécanique, froide, linéaire. »

-le temps subjectif qui est « celui de la conscience, ce que certains appellent la durée, cette façon que nous avons de vivre et d'éprouver le temps qui s'écoule […] Certaines heures sont interminables, quand d'autres passent à toute allure»

-le temps du kairos1, « des points remarquables dans le flux homogène du temps des horloges, qu'il faut savoir repérer et saisir pour réaliser ce qui nous tient à coeur »





2. Le temps et le rythme en musique

Le temps est au musicien ce que lespace est au peintre.
Le
peintre met en forme sa toile en fonction de lespace tandis que le compositeur met en forme sa musique en fonction du temps. Cest en fonction de cet élément essentiel que la musique va prendre forme.

Lauditeur ne pourra se faire une idée dune œuvre quaprès en avoir entendu lintégralité alors que lamateur de peinture peu se faire une idée instantanée dun tableau.

Le rythme nest quune composante du temps, tout comme le tempo, la carrure, la forme, et aussi la densité, le traitement du silence

3. Quelques possibilités de jeux et traitements sur le temps:

  1. Tempos : lent, vifsex. les différents mouvements des sonates, symphonies et concertos classiques.

  2. Temps régulier, irrégulier (Stravinsky sacre du printemps, danse sacrale), valeurs ajoutées (Olivier Messiaen danse de la fureur extrait du quatuor pour la fin du temps).

  3. Temps lisse (absence de pulsation ou pulsation gommée Tristan Murail, Charles Ives The unanswered Question, Ligeti Atmosphères) temps strié ou pulsé (Stravinsky, sacre du printemps, augures printaniers). Xu Yi Le plein du vide.

  4. Temps mesuré, temps non mesuré Chant grégorien et Pérotin Viderunt Omnes.

  5. Temps structurel : Temps rétrogradé (Machaut, Webern, Bach), augmenté, diminué (Bach, Pärt Dies Irae du Miserere). Superposition de différents temps Pérotin Viderunt Omnes. Charles Ives The unanswered Question, Bach Nun Freut Euch ou fugues Fuite du temps dans les fugues (Bach)

  6. Temps semblant arrêté, intemporalité ostinato Bach, musique répétitive américaine, Arvo Pärt Miserere Ligeti Lux Aeterna. Temps suspendu Wagner prélude de Tristan. Rôle du silence chez Beethoven (Coriolan), et surtout John Cage. Xu Yi le plein du vide. Aperghis Corps à Corps

  7. Le rôle de la mémoire dans les grande formes musicales classiques : Lied, Sonate avec retours des thèmes mais aussi chez Dutilleux. Ou au contraire négation des repères (sérialisme).

  8. Le nombre dor au service du temps (Bartok, 1er mouvement de Musique pour cordes percussions et celesta). Purcell, in the Midst of Life






Lœuvre dans le temps

Dans le cours, Etude chronologique de lévolution des œuvres dans le temps. Références au passé. Fixation des œuvres par leur notation. Conservation et évolution de ces œuvres jusquà aujourdhui. Chaque œuvre est étudiée suivant les différentes entrées du temps dans lœuvre.



      1. Moyen Age

      1. Les nouvelles techniques de notation, le cantus mensurabilis (chant mesuré).Pérotin Viderunt Omnes. (XIIIe…) Références au passé (constructions de polyphonies sur le Pain Chant), fixation (perfectionnements des techniques de notation), conservation (la polyphonie naît et va se développer et atteindre une sorte d’apogée à la fin du baroque avec Bach).



Décrétale Docta Sanctorum Patrum (1325) Pape Jean XXII

La docte autorité des Saints-Péres a décrété que dans les offices de la louange divine, signe de la soumission que nous devons à Dieu, l'esprit de chacun reste vigilant, que le discours ne trébuche pas et que la modeste gravité de ceux qui chantent s'exprime par une modulation sans heurts. "Car dans la bouche résonnait un doux son ." Ce doux son résonne toujours dans la bouche de ceux qui chantent les psaumes quand ils portent Dieu dans leur coeur ; tandis qu'ils prononcent les paroles, leur chant augmente la dévotion envers lui . Si on a décidé qu'on psalmodie dans l'Eglise de Dieu, c'est dans le but de stimuler la dévotion des fidèles ; dans cet office diurne et nocturne, ainsi que la célébration des messes, le clergé et le peuple chantent une mélodie distincte et pure sur une teneur choisie, de façon qu'ils aient le goût d'une même élévation et se réjouissent de cette perfection.

Mais certains disciples d'une nouvelle école, s'appliquant à mesurer le temps, inventent des notes nouvelles, les préférant aux anciennes. Ils chantent les mélodies de l'Eglise avec des semi-brèves et des minimes, et brisent ces mélodies à coup de notes courtes . Ils coupent ces mélodies par des hoquets, les souillent de leur déchant, et vont même jusqu'à y ajouter des triples et des motets vulgaires, de sorte que, perdant de vue les fondements de l'antiphonaire et du graduel, ils méconnaissent les tons qu'ils ne savent pas distinguer, mais confondent au contraire, et sous la multitude des notes, obscurcissent les pudiques ascensions et les retombées du plain-chant, au moyen desquelles les tons eux-mêmes se séparent les uns des autres . Ainsi ils courent sans se

reposer, ils enivrent les oreilles au lieu de les apaiser, ils miment par des gestes ce qu'ils profèrent, et, par tout cela, la dévotion qu'il aurait fallu rechercher est ridiculisée, et la corruption qu'il aurait fallu fuir est propagée.

Ce n'est pas inutilement que Boèce dit : "L'âme corrompue se délecte des modes les plus corrompus, et les entendant souvent, elle s'amollit et se dissout."

Nous avons donc pensé, avec nos frères, que ces choses manquaient de règles : aussi hâtons-nous de les interdire, de les chasser même, d'en purger efficacement l'Eglise de Dieu . C'est pourquoi, ayant pris conseil de nos frères, nous ordonnons que personne désormais n'ose perpétrer de telles choses ou de semblables,dans les dits offices, particulièrement dans les heures canoniales et la célébration des messes. Si quelqu'un agit contrairement, il sera puni par l'autorité de ce canon, de la suspension de sa charge pour huit jours, par les ordinaires des lieux où ces choses auront été commises, ou par leurs délégués, pour ceux qui ne sont pas exempts, et pour les exempts, par leurs prévôts ou leurs supérieurs, à qui il appartient de reconnaître les excès de ce genre et autres semblables, ainsi que la correction et punition des fautes . Par cette mesure, nous n'entendons pas empêcher que parfois, et surtout aux jours de fête, à savoir aux messes solennelles et dans les offices divins ci-dessus, on ne place sur le chant ecclésiastique tout simple quelques consonances qui en relèvent la mélodie, à savoir l'octave, la quinte, la quarte et les consonances du même ordre, mais toujours de telle sorte que l'intégrité du chant lui-même demeure inviolée, que rien ne soit changé de ce chef au rythme correct de la musique, et pourvu surtout que l'on apaise l'esprit par l'audition de telles consonances, que l'on provoque la dévotion, et que l'on ne permette pas d'engourdir l'âme de ceux qui chantent à Dieu .

Fait et donné à Avignon, l'an IX de notre pontificat







      1. Guillaume de Machaut Ma fin est mon commencement.

Jeu des musiciens sur la rétrogradations des évènements sonores (Machaut, Webern cf. infra) alors que le temps lui est unidirectionnel. Alors quen peinture, ces rétrogradations sont parfaitement visible (phénomènes de symétrie dans lespace), ils sont la plupart du temps imperceptibles en musique.



      1. Epoque baroque

Bach, temps et espace

Traitement des cantus firmus dans les chorals : superposition de plusieurs temps (cf. Pérotin).

Traitement des sujets de fugues (clavier bien tempéré 1 fugue 8 p.40 ré# mineur, art de la fugue contrepoint 6 et 7, canon rétrograde par augmentations). (10 partitions), Canons de lOffrande musicale. Canon rétrograde

Le temps semblant arrêté. Passacaille et fugue en ut mineur.



  1. Epoque classique et romantique

Contrastes des tempos dans les formes classiques (symphonie, concerto, sonate)

Chez Beethoven, notion de temps suspendu (5e symphonie, ouverture de Coriolan)



  1. XXe siècle.

    1. Le système sériel

cf. cours école de Vienne

Audition dans le temps de phénomènes sonores pensés visuellement. Webern variations op. 27 palindromes. Rétrogradations

Avec le sérialisme, la mémoire ne peut plus jouer un rôle de structuration de lœuvre, car il ny a aucun retour. Négation des repères

Sérialisme intégral (Stockhausen étude n°2) Messiaen, modes de valeur et dintensité (1949-50). Le livre dorgue.





Le temps chez Stravinsky

Le sacre du Printemps

Notion de temps inégaux.

Ostinatos: temps immobile.

Cellules rythmiques mobiles et immobiles.



La suite de Fibonnacci, le nombre dor.

Bartok Musique pour cordes percussion et célesta 1936, 10 part. CD



Xenakis

Xenakis entreprend délibérément dannexer la science à lart.:Pithoprakta comprend 46 cordes, 2 trombones et un wood-block. Etude des mesures 52 à 60 p.36.



Le langage musical de Messiaen (1908-1992)

Rythmes hindous, les deçi-tâlas2 (rythmes non-rétrogradables, valeurs ajoutées) les études de timbres sur les percussions dIndonésie...

Par la suite (vers 1953), ses recherches lamènent à formuler un langage inspiré du chant des oiseaux.



Le rôle du silence

John Cage



        1. Le temps lisse

Charles Ives the Unanswered Question

Ligeti. Le temps nest pas marqué, cest un temps lisse, idée de continuité sonore. Sorte de fondu enchaîné musical au moyen des timbres, nuances texture et hauteurs. Seul le chef marque les temps pour diriger lorchestre.



  1. Boulez

Mémoriale



Musique répétitive

Etudes de Ligeti.

Terry Riley (1935) Phil Glass (1936) et Steve Reich (1936): tonalité, construction sur un principe rythmique, progression par variations imperceptibles, certaine importance de lélectronique



Conlon Nancarrow, études pour piano



Dutilleux Ainsi la nuit, rôle de la mémoire, héritage de Messiaen

1Terme grec qui signifiait « occasion, moment propice, favorable ». Référence au fait de savoir saisir l'instant favorable dans la vie.

2Il y’en a 120, ils ont été répertoriés par le théoricien hindou Câmgadeva au XIIIe siècle.