Analyse auditive d’ un morceau de jazz par Emmanuel Thiry Jaco Pastorius big band: Fannie Mae
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Références discographiques: enregistré en public en septembre 1982 au Japon . Jaco Pastorius, le demi-dieu de la basse, Warner Jazz 9548-35880-2, WE 889

I.                    Présentation

 

Tempo: rapide (noire= 180 environ)

Rythme: ternaire à 4 temps

Tonalité: Do majeur

Formation: Big band comportant un chanteur, un harmonica (Toots Thielemans), un steel drums, des sections de cuivres et saxophones, et une section rythmique avec guitare basse (Jaco Pastorius), batterie.

Esprit du morceau: Il s’agit d’un blues rapide très énergique. le tempo est proche des rock’n rolls des années 1950 et le rythme est celui d’un boogie woogie (cf. infra). En revanche, la formation et le traitement instrumental sous forme de call and response rappelle les big bands de l’époque swing. Enfin, la présence de certains instruments (harmonica chromatique et steel drums) donne à ce morceau des couleurs inédites.

          II.                  Structure

 

Intro

Riff

Thème chanté

solo d’harmonica

Thème chanté

coda

2 mesures (ex.1)

16 mesures

AAB

CCD

4 chorus

AAB

Sur la formule du Christophe (ex. 6)

 

La grille employée est toute à fait classique, c’est la grille de blues la plus simple.

 

C7

C7

C7

C7

F7

F7

C7

C7

G7

F7

C7

G7

 

       III.                Analyse du Thème

 

            On peut considérer deux parties bien distinctes dans le thème

  1. Après une courte introduction du tutti de deux mesures sous forme d’un voicing[1] en descente chromatique (ex.1),  comme un appel,  Une phrase riff[2]  de 4 mesures (ex. 3) est  d’abord jouée 2 fois par les saxophones et le steel drums, puis 2 autres fois avec ajout des cuivres pour donner plus de brillance.  Un ostinato en Do Majeur mixolydien[3] de la guitare basse (ex.2) sur un rythme de shuffle[4] s’installe et restera comme l’élément unificateur pendant tout le morceau. La batterie marque fortement les after beats (2e et 4e temps) sur la caisse claire.
  2. Le chanteur intervient ensuite sur deux chorus en chantant un texte suivant la forme habituelle du blues : A 4 mesures répété et B, puis de la même façon CCD. La grille du blues est mise en place à partir de l’intervention de ce chanteur.

Dans le premier chorus, chaque phrase est ponctuée par un riff harmonisé des saxes et steel drums (ex. 4). Dans le deuxième chorus, un deuxième riff à plusieurs voix d’hommes répond au soliste. L’harmonica y fait son apparition

         

 

IV.               Le solo d’harmonica

 

Le chanteur annonce Toots Thielmanns à la fin de ses deux chorus.

Ce solo contraste et orne ainsi ce boogie woogie par une science harmonique alliant avec beaucoup de style jazz et blues, et ce relâchement au dessus du tempo. On notera de plus que l’harmonica traditionnel jazz est diatonique alors que celui de Toots Thielmanns est chromatique.

La science harmonique du jazzman s’entend dès la première phrase (ex. 5) par une entrée sur une gamme pentatonique de Sib enrichissant l’accord de DoM par ses 7; 9e, 13e. La mise en place est très élégante : début sur la deuxième mesure et chevauchement de la carrure pour la fin de phrase.

Le deuxième chorus est beaucoup plus bluesy en commençant par un trémolo sur sib-do dans l’aigu. Aux riffs de sax du premier chorus s’ajoutent les cuivres ici pour faire chauffer encore plus le soliste. Les riffs cessent dans le troisième chorus, permettant à l’harmoniciste de s’exprimer avec plus de finesse. Enfin, le dernier chorus, sorte de climax général, voit la réapparition d’un tutti fournit et virtuose, l’harmoniciste joue alors presque exclusivement sur la blue note mib.

 

V.                 La voix

Elle est puissante, et si certaines notes peuvent paraître fausses pour l’oreille occidentale (cf .fin du 2e chorus, c’est tout simplement cet esprit du blues qui habite le chanteur et qui est  de l’ordre du ressenti et de l’émotion.

VI.               Jaco Pastorius

 C’est sans conteste lui qui insuffle la dynamique à tout l’orchestre. On a affaire ici à l’un des plus grands guitaristes basse de l’histoire du jazz, aussi extraordinaire comme accompagnateur que comme soliste.

Et  si ce morceau tient presque de l’anecdote, il faut l’écouter dans des contextes aussi différent que le groupe Weather report, ou ses petites formations avec Hiram Bullock, Herbie Hancock, Mike Stern, Birelli Lagrène, ou encore lorsqu’il accompagne Joni Mitchell. Jaco Pastorius est l’une des figures de proue du jazz-rock de 1970 à sa mort en 1987 à l’age de 36 ans.



[1] Voicing : mélodie d’accords.

[2] Riff : figure mélodico-rythmique destinée à être répétée.

[3] Mixolydien : mode de sol, s’expliquant dans ce contexte par la blue note sib.

[4] Shuffle : rythme d’accompagnement de base du boogie woogie consistant à jouer tous les temps et contretemps