Hontologie  de la pluie.
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Le cyclosophe n’aime pas la pluie

Le cyclosophe n’aime pas la pluie, la pluie est même un concept anticyclosophique puisqu’elle annihile le plaisir de pédaler. Le cyclosophe prend du plaisir lors d’une soirée arrosée, certes, mais la matinée, elle, doit être sèche. D’où l’émergence d’une question primordiale : qu’est-ce que la pluie ? La réponse à cette interrogation conditionne l’acte même de se déplacer ou non au Boulingrin, le samedi, à huit heures et demi. Si le concept « pluie » n’est pas maîtrisé, il peut s’en suivre des contraverses orageuses et cyclo-niques, le départ peut tomber à l’eau.

D’autre part, la pluie peut être prétexte à assouvir des penchants paresseux : on se reporte à des bulletins météo pessimistes vieux de huit jours pour rester dans son lit, la mauvaise foi sartrienne envahit alors la conscience cyclosophique et fait le lit à une lâcheté de poule mouillée. Alors, sous l’édredon, le cyclosophe rougit ; « C’est la chaleur. », se dit-il en fermant les yeux. Mais l’œil était dans le lit et regardait Calin ; « C’est la honte ! » dit l’œil, si tant est qu’un œil puisse parler ; et le cyclosophe rubescent se mord les doigts[1], le soleil vient le caresser et le narguer, la mauvaise foi se change en mauvaise conscience: c’est LA HONTE AU LOGIS en cette matinée samedinicale.

Et il pleut dans son cœur une pluie de remords

Tandis que ses amis pédalent au sec dehors.

 

Qu’est-ce que la pluie, donc ?

« Il pleut » dit-on ; mais qui ça il ? Quel est le sujet du pleuvoir ? Est-ce le nuage ? Non, certes, car on dirait alors : « Le nuage pleut. », or il n’en est rien. Il y a de la pluie, c’est un fait, ça pleut. Alors, peut-être est-ce la pluie qui pleut ? Pas tout, car si la pluie pleuvait on dirait alors : « Tiens, elle pleut aujourd’hui. », ce qui serait machiste, car le soleil étant masculin on dirait « Elle pleut » et « Il fait beau. », étant entendu que c’est le soleil qui fait (le) beau. A noter que l’anglais ne s’embarrasse pas de telles subtilités avec son « It rain.[2] », c’est vrai qu’il n’a pas beaucoup l’occasion de nommer le soleil. Mais revenons à la pluie française, celle qui n’accepte pas les nuages venant de Tchernobyl, notre pluie bien acide qui transperce nos os territoriaux. La pluie a-t-elle une essence ? Si l’on dit «  l’essence de la pluie c’est l’eau » ; c’est un non-sens : l’essence et l’eau sont essentiellement contradictoires : l’essence s’enflamme, l’eau éteint le feu. Donc l’eau n’est pas l’essence de la pluie. Autre proposition : « L’essence de la pluie c’est de tomber, de tomber du ciel. », ce qui revient à dire que la pluie « est essentielle[3] », ou si l’on préfère : « était sans ciel[4] ». Or une pluie sans ciel est sans sens, car la pluie existe en ciel, ce qui est confirmé par la formule célèbre : « L’existentiel précède l’essentiel. »

 

Cherchons une autre entrée. On pourrait croire que la pluie c’est un nombre fini de gouttes qui tombent, or, quand quelques gouttes commence à tomber, on ne dit pas « Il pleut », on dit « Il tombe des gouttes.». Se pose alors la question de savoir à partir de quel nombre de gouttes tombées peut-on dire qu’il pleut ? La cyclosophie aurait tout à gagner à fixer arbitrairement un nombre de gouttes précis à partir duquel on pourrait dire qu’il pleut vraiment. Ce qui éradiquerait complètement la mauvaise foi des mauvais coucheurs samedimatutinaux. L’autre solution, radicale celle-là, est d’émigrer vers le sud de la France où la question de la pluie ne se pose même plus. En cathare, le mot « pluie » n’existe pas.

Pr Nimbus dit Cumulo.


[1] De là l’origine du gant de cycliste : la mitaine, et son dérivatif : le croque-mitaine.

[2] D’où la lenteur légendaire de l’anglais : en cauchois : « I traîne. »

[3] Il faut ici prononcer tout haut cette phrase pour appréhender toute sa subtilité

[4] Ibidem.